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nouvelle droite - Page 8

  • Le Bloc : un roman contre le FN, tout contre...

    « Finalement, tu es devenu fasciste à cause d'un sexe de fille. »

    « Tu te demandes vraiment, cette nuit, ce qui mérite le plus ton respect ou ton sacrifice. Une société où neuf couples sur dix, en sortant du cinéma, avant même de s'adresser la parole, rallument leur portable ou celle où une jeune fille voilée est capable de se faire exploser à un poste frontière au nom de son peuple et de sa foi. »

    « A l'époque quand on t'invitait, dans ces émissions, c'était pour que tu serves de punching-ball à la bonne conscience des antifascistes en peau de zob, des antiracistes avec bonniche tamoule non déclarée, et des post-soixante-huitards qui se gobergeaient aux commandes depuis trente ans, jouaient aux libertaires, se proclamaient du côté du progrès et n'avaient pas prononcé le mot “ouvrier” depuis qu'ils étaient descendus des barricades pour devenir patrons de presse ou députés européens. Et qui publiaient chaque année la même autofictionnette merdique, la même biographie sur un héros inattaquable de la Résistance derrière lequel ils cachaient leur nullité ou le même essai libéral-libertaire sur la mondialisation heureuse.»

    « Du sang. Soleil rouge. »

     

    Jérôme Leroy est un auteur inclassable, un auteur de gauche de droite, un hussard rouge, adepte d'un « communisme sexy et balnéaire », quelque peu guerrier aussi, qui écrit des polars d'anticipation particulièrement sombres et désenchantés, et dont l'oeuvre a toujours séduit les franges non-conformistes de la droite. L'auteur de ces lignes l'a découvert il y a plus d'une dizaine d'année au travers de son roman Monnaie bleue (Rocher, 1997), après la lecture d'une recension particulièrement élogieuse signée par Dominique Venner dans la revue Eléments (n°91, mars 1998). Qu'allait-il donc offrir à ses lecteurs en abordant un thème aussi délicat que celui du Front National ? Thierry di Rollo, honnête auteur de science-fiction, venait de se brûler les ailes sur le même sujet avec Préparer l'enfer (Gallimard, 2011), une daube outrageusement caricaturale et manichéenne... Alors le résultat, c'est Le Bloc, publié chez Gallimard, dans la Série noire, un polar politique percutant, construit autour de deux personnages archétypiques, Antoine et Stanko...

    Stanko, c'est le fils d'un peuple humilié, trahi et broyé par la mondialisation , qui par la violence et le sang, mais aussi par l'amitié et la fidélité, s'est forgé un présent de reître. « Sans vous, je serais en taule, avec des perdants de mon genre, ou à trainer comme une épave alcoolique, dans les villes du bassin minier, vieux skin au foie détruit, ou déjà mort ». Sacrifié, il va mourir en homme libre, une arme à la main, debout face au soleil.

    Antoine, lui, c'est l'intellectuel dégoûté par le monde tiède et aseptisé qui l'entoure, l'esthète au physique de rugbyman, dont la violence est comme un trop-plein d'énergie animale, et aussi le compagnon et l'amant éperdu d'Agnès Dorgelles, la nouvelle chef du Bloc, le parti de la droite populiste, en pleine ascension.

    Jérôme Leroy atteint une compréhension remarquable du milieu qu'il dépeint grâce à l'empathie dont il fait preuve, et qui place son roman à côté du Fasciste (Payot, 1988 ) de Thierry Marignac. Dans sa galerie de personnage, on trouve des tordus et des salauds, bien sûr, mais aussi des aventuriers déjantés, des convaincus et des combattants. Et Antoine, notamment, peut aisément trouver sa place dans la lignée des héros de Jérôme Leroy, de Laurent Sandre,dans Monnaie bleue, à Kléber, dans La minute prescrite pour l'assaut. Antoine, d'ailleurs, que le narrateur tutoie tout au long du livre pourrait presque passer pour un double de l'auteur, pour le personnage que sa jeunesse rouennaise aurait pu l'amener à devenir... Au fait, et si Jérôme Leroy était devenu communiste pour un sexe de fille ?...

    FD

     

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    "Sur fond d’émeutes de plus en plus incontrôlables dans les banlieues, le Bloc Patriotique, un parti d’extrême droite, s’apprête à entrer au gouvernement. La nuit où tout se négocie, deux hommes, Antoine et Stanko, se souviennent. Antoine est le mari d’Agnès Dorgelles, la présidente du Bloc. Stanko est le chef du service d’ordre du parti. Le premier attend dans le salon d’un appartement luxueux, le second dans la chambre d’un hôtel minable. Pendant un quart de siècle, ils ont été comme des frères. Pendant un quart de siècle, ils ont participé à toutes les manips qui ont amené le Bloc Patriotique aux portes du pouvoir. Pendant un quart de siècle, ils n’ont reculé devant rien. Ensemble, ils ont connu la violence, traversé des tragédies, vécu dans le secret et la haine. Le pire, c’est qu’ils ont aimé cela et qu’ils ne regrettent rien. Ils sont maudits et ils le savent. Au matin, l’un des deux devra mourir, au nom de l’intérêt supérieur du Bloc. Mais qu’importe : à leur manière, ils auront écrit l’Histoire. Plus qu’un simple roman noir, Le Bloc est un roman politique qui cherche à répondre à une question de plus en plus cruciale : comment expliquer et surtout comprendre l’affirmation de l’extrême droite dans les 30 dernières années ? En plongeant le lecteur dans la tête des deux protagonistes centraux, dans une posture empathique et compréhensive à mille lieux de la critique antifasciste traditionnelle, Jérôme Leroy prend des risques. La critique, bien présente, est ici en creux, elle se dessine dans l’esprit même du lecteur sans que l’auteur ait besoin de la formuler. En décrivant le parcours de ces deux hommes, il peint un tableau général de la déliquescence politique française contemporaine : disparition progressive du PC, abandon de la classe ouvrière par une gauche socialiste « boboisé » qui se réfère plus à l’idéologie libéralo-libertaire de Mai 68 qu’à la lutte des classes, droite de plus en plus arrogante, tournée vers le business et les profits transnationaux. Leroy décrit une société française à l’agonie, une poudrière qui éclate soudainement lors d’émeutes dont tout le monde parlait mais que personne en réalité n’a vu venir. Son constat fait mouche et oblige son lecteur à reconsidérer l’espace politique qui l’entoure."

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  • Alain de Benoist s'entretient avec David L'Epée (1/2)...

    De nationalité suisse, David L'Epée est un jeune journaliste d'idées indépendant.  Alain de Benoist répond à ses questions...

    Thèmes abordés :

    1 – Alain de Benoist : penseur de gauche ou de droite ?
    2 –  Qu’est-ce que la Nouvelle Droite ?
    3 –  Les médias et l’étiquette de droite
    4 –  Une évolution intellectuelle de la droite vers la gauche ?
    5 –  L’intellectuel engagé face au militant de parti
    6 –  Quête de vérité et recherche d’efficacité
    7 –  L’élite et le peuple
    8 –  Gramsci et la méthode du combat culturel
    9 –  Une droite allergique aux intellectuels
    10 –  L’Europe fédéraliste des peuples : contre l’Union européenne et contre les nationalismes
    11 –  Quelle alternative à la technocratie européiste ?
    12 –  Un exemple de résistance à l’européisme : la Suisse
    13 –  La géopolitique des blocs pour un monde multipolaire.


    Entretien avec Alain de Benoist 1/2 par davidlepee

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  • Les droites et l'économie...

    Les éditions Riveneuve viennent de publier un ouvrage collectif intitulé Les droites et l'économie en France au XXe siècle et dirigé par Olivier Dard, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Metz, et Gilles Richard, professeur à Sciences Po Rennes. Les auteurs dressent un panorama des rapports ambigus et complexes que les droites (un pluriel bienvenu) entretiennent avec l'économie. On y trouvera notamment une synthèse d'Olivier Dard sur les idées de la Nouvelle droite dans cette matière.

     

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    "L’actualité française récente, à travers les polémiques sur la présidence de Nicolas Sarkozy, la soirée du Fouquet’s, le yacht de Vincent Bolloré et bien entendu « l’affaire Bettencourt » et la mise en cause du ministre Éric Woerth, a relancé des débats déjà anciens sur les droites et l’argent. Le phénomène n’est pas nouveau et a déjà une longue histoire derrière lui, depuis la mise en cause du « Mur de l’argent » et « les Deux cents familles », dans laquelle se sont illustrées bien des plumes venues de gauche (Francis Delaisi, Augustin Hamon) mais aussi des droites nationalistes, d’Emmanuel Beau de Loménie à Henry Coston. Aujourd’hui, d’essais journalistiques en numéros spéciaux d’hebdomadaires, la collusion entre les droites et les affaires est largement dénoncée
    Sur plus d’un siècle, les relations entre les droites et l’économie ont fait l’objet tout à la fois de lieux communs et de représentations solidement établies.
    L’ouvrage n’élude nullement cet aspect de la question (les représentations sont évoquées à travers les « Deux cents familles » et la chanson) mais il procède d’une démarche différente.
    C’est fort de ces héritages et de ces constats que le volume s’est employé à investir quatre principaux chantiers. Le premier d’entre eux analyse comment les droites françaises appréhendent et pensent l’économie, ce qui pose la question des doctrines et des idéologies à l’œuvre.
    Le deuxième chantier porte sur l’examen des milieux privilégiés avec lesquels se nouent des relations entre les droites françaises et l’économie : les entreprises et les patrons.
    Le troisième chantier concerne les forces politiques et sociales.
    Un quatrième chantier enfin renvoie aux expériences gouvernementales menées sous la conduite des droites auxquelles certaines de leurs composantes ou figures sont associées."


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  • Sur l'archéofuturisme...

    Les éditions de L'AEncre viennent de rééditer L'Archéofuturisme, un essai de Guillaume Faye paru initialement en 1998. Figure de la Nouvelle Droite dans les années 70-80, auteur d'essais importants, servis par un style étincellant, comme Le système à tuer les peuples (Copernic, 1981) ou L'Occident comme déclin (Le Labyrinthe, 1984), Guillaume Faye revenait avec cet essai au combat idéologique après dix années d'errance dans les milieux de la radio et du show-businness. Premier d'une nouvelle série d'écrits de combat, il est d'évidence le plus intéressant, le plus travaillé et le le plus percutant avec ses idées-force d'archéofuturisme, de constructivisme vitaliste et de convergence des catastrophes. Par la suite, l'auteur s'est enfermé dans un anti-islamisme rabique qui semble lui avoir fait perdre de vue l'ennemi principal et l'avoir amené à opérer des rapprochements surprenants.

    Nous reproduisons ci-dessous la critique de L'Archéofuturisme qu'avait publiée la revue Eléments dans son numéro de juin 1999, sous la plume de Charles Champetier.

     

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    Sur l'archéofuturisme

    Après treize années passées dans le milieu du show business et de la presse populaire, Guillaume Faye, ancien animateur de la Nouvelle Droite, revient au combat des idées en publiant un essai, L'archéofuturisme. A tout seigneur tout honneur: le livre s'ouvre sur une critique de la Nouvelle Droite, critique qui a pour principal mérite d'être formulée sur un ton amical et constructif. Que reproche sur le fond Guillaume Faye à la ND?

    a) De s'être coupée du politique, alors qu'un gramscisme bien compris l'invitait à se faire l'école de pensée d'un parti (en l'occurrence, le FN);

    b) de s'être soumise à la censure en renonçant à développer des thèses « provocatrices» et « radicales»;

    c) de se réclamer de l'ethnopluralisme, du différentialisme et du communautarisme à l'heure où le clivage principal opposerait non plus l'Est et l'Ouest, mais le Nord et le Sud.

    Nous sommes en désaccord sur ces trois points. La métapolitique, travail de défrichage du champ intellectuel et de cristallisation de clivages idéologiques dans la société, n'a jamais été un autre moyen de faire de la politique, mais autre chose que la politique: 1'« intellectuel de parti » produit des slogans vides et des idées creuses. Quant aux mouvements politiciens (la bande des six, sept, huit ou neuf), ils n'ont aujourd'hui d'autres perspectives que la vaine conquête d'un État réduit à la gestion (sociale-libérale, libérale-conservatrice voire nationale-conservatrice) de la mondialisation médiatique, technologique et financière. Le forme-parti est épuisée et la dissémination du politique appelle d'autres modes d'action - ce qu'une certaine gauche impliquée dans les « nouveaux mouvements sociaux» a compris depuis longtemps.

    La « provocation» et la « radicalité », loin d'être les adversaires de la censure (dont Faye sous-estime par ailleurs la puissance) et plus généralement du système, en sont les meilleurs alliés: le raciste, l'eugéniste, l'antisémite, l'intégriste, le nazi ou le stalinien servent tour à tour de repoussoirs imaginaires à une modernité intellectuellement essoufflée, réduite à fantasmer sur ses errements et ses refoulements, prête à récupérer médiatiquement toutes les contestations dans la case « déviance» ou « folklore » de son spectacle permanent. Accessoirement, un discours est d'autant plus « radical» qu'il ne s'affiche pas comme tel, et vice-versa: une partie de l'extrême gauche antifasciste, par exemple, utilise aujourd'hui ce thème de la « radicalité » pour sublimer son ralliement à un système dont elle se veut le plus fidèle chien de garde. 

    La thèse du méga-affrontement Nord-Sud et l'analyse de l'immigration (en fait des immigrés) comme ennemi principal de l'Europe, thèse qui parcoure l'ensemble de l'essai, relèvent à mon sens de l'erreur de jugement (sur le plan analytique) et de la fausse conscience (sur le plan psychologique). Erreur de jugement car l'immigration actuelle n'est pas tant une colonisation que le dernier revers de la colonisation, c'est-à-dire l'ultime conséquence de l'occidentalisation du monde, de la réduction de l'homme à l'état de producteur-consommateur anonyme et de l'imposition d'un mode unique de développement fondé sur le mythe de la croissance perpétuelle. On ne résoudra certes pas les problèmes du tiers-monde en le faisant venir en Europe; mais on n'évitera pas qu'il y vienne en surfant sur le fantasme de la forteresse assiégée et en s'épargnant ainsi une critique des sources mêmes des déséquilibres planétaires. Fausse conscience car la focalisation des esprits sur 1'« immigration-invasion» évite de dési­gner le libéralisme comme ennemi principal de tous les enracinements (autochtones et immigrés), alimente l'imaginaire réactif et conspirationniste (« l'islamiste au sabre entre les dents» et la « cinquième colonne» comme béquilles de la pensée), décerne trop souvent un faux « brevet d'enracinement» à ceux qui tirent alibi du refus de la différence ethnique pour entériner l'indifférenciation de leur monde vécu. Définir l'immigré comme la « victime innocente de la société» (à gauche) ou comme le « virus pervers de la décadence » (à droite) sont deux lignes de fuite devant la réalité.

    La solution communautarienne a bien sûr ses limites: mais parce qu'elle part du principe de défense de toutes les identités face à l'uniformisation mar­chande, parce qu'elle refuse la reproduction du Même indifférencié, elle me paraît toujours plus porteuse de rupture cr de sens que le double mirage de l'assimilation et de l'exclusion. Au-delà de cette critique de la ND, la thèse centrale de l'ouvrage concerne l'implosion de la modernité et les contours du monde qui lui succédera. Pour Faye, la modernité se voit menacée pour la première fois par des lignes convergentes de catastrophes: financière (éclatement de la bulle spéculative mondiale), économique (impossibilité de généraliser le niveau de vie occidental à la planète), écologique (confrontation de l'exploitation marchande aux limites de la biosphère), démographique (chute de la natalité, allongement de la durée de vie) ou encore ethnique (Nord vieillissant et opulent face à un Sud prolifique et pauvre). Ainsi appelée à s'écraser sur le mur du réel, la modernité sera supplantée par un système « archéofuturiste », où se conjugueront les réflexes archaïques et les fulgurances futuristes, les technologies libérées des préventions humanistes cr les systèmes sociaux traditionnels. Pour faire bref, et en s'inspirant de la nouvelle de science fiction qui clôt l'essai, une société à deux vitesses où se superposent une élite confisquant les avancées de la technoscience et des peuples revenus à un mode de vie néolithique - des hoplites transgéniques partant à la conquête de Mars et des paysans revenus au rythme des saisons et des jours.

    La modernité est effectivement arrivée à saturation, et l'essai de Guillaume Faye a le mérite de rompre avec l'optimisme niais des mondialisateurs béats pour pointer quelques-unes des crises majeures qui la menacent. Son propos est surtout convaincant dans les domaines économiques et écologiques. Mais l'hypothèse archéofuturiste appelle quelques critiques. On peut douter du caractère convergent de ces catastrophes : Faye, qui vitupère fort justement la « croyance au miracle», verse à son tour dans la « croyance en l'apocalypse» et indexe l'avenir des peuples européens à un « grand soir » que l'histoire pourrait fort bien différer de quelques décennies, voire de quelques siècles. La convergence des catastrophes est un « mythe négatif» séduisant, mais dont il ne faut pas sous-estimer la portée incapacitante pour ses adeptes : si la fin du monde moderne est pour 2010-2020, pourquoi ne pas l'attendre en se crosant les bras et en se persuadant que l'on comptera parmi les élus ? 

    Si l'on ne partage donc pas la structure de la prophétie fayenne, soulignons pour conclure que nombre de ses micro-analyses, servies par un sens remarquable des formules-choc et animées d'une saine volonté polémique, stimulent souvent l'esprit et enflamment parfois l'imagination. En ce sens, l'essai parvient à son but : ouvrir des débats dans l'esprit du « et si? » plutôt que de les clore dans la logique du « il faut! ».

    Charles Champetier (Eléments n°95, juin 1999)

     

     

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  • Les idées à l'endroit !...

    Avec Les idées à l'endroit, l'essai d'Alain de Benoist, les éditions Avatar rééditent un grand classique de la pensée non-conformiste. L'ouvrage, publié initialement en 1979, a été augmentée d'un avant-propos inédit. On pourra y retrouver des textes importants comme "Fondements nominalistes d'une attitude devant la vie", "Vingt-cinq principes de morale", "Une nouvelle anthropologie", "L'élite ?" ou "Contre le racisme", qui constituent des jalons dans l'évolution intellectuelle de leur auteur.

     

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    Pour une ligne de conduite décisive face à la modernité.

    Les idées à l’endroit sont parues aux éditions Libres Hallier en 1979. C’était peu de temps après la grande campagne de presse sur la Nouvelle Droite (ND) de l’été. L’auteur, Alain de Benoist, s’était trouvé au cœur de cette campagne. Il avait souhaité y répondre en essayant de dissiper bien des malentendus. Les idées à l’endroit sont pourtant beaucoup mieux qu’un livre de circonstance. Si l’auteur, dans une longue préface ici reproduite, rappelait le contexte des débats d’idées des années 1970 et le rôle que lui-même et ses amis y

    ont tenu au travers de livres, de rééditions de classiques de la pensée politique et — déjà — de la revue Eléments, le livre ouvrait des perspectives qui gardent toute leur pertinence. Trente ans après la première édition, bien entendu épuisée, il est temps de redécouvrir cet ouvrage de fond.

    Non que l’auteur n’ait évolué. Au contraire, dans sa préface de 2010, Alain de Benoist rappelle brièvement (car il l’a fait plus complètement ailleurs, notamment dans Au temps des « idéologies à la mode », dans la réédition de Vu de droite en 2001, et dans Cartouches) le chemin parcouru et les pistes abandonnées, et le pourquoi des nouvelles explorations.

    Les textes des Idées à l’endroit sont bien autre chose que des textes datés. Ils définissent des orientations, et plus encore une attitude. Que celle-ci relève ou nom du qualificatif de « nominaliste » est accessoire. C’est l’attitude même qui compte, comme le montre le texte intitulé « 25 principes de “morale’’ ». La meilleure preuve en est que c’est précisément l’attitude, ou encore la méthode, qu’Alain de Benoist définit dans ce livre qui a permis à sa pensée de poursuivre son itinéraire, de se dégager de quelques simplismes, et plus encore de sortir des ambiguïtés de la critique de l’égalitarisme pour mettre l’accent sur la dénonciation de l’« idéologie du Même ». C’est en ce sens un livre capital.

    Paru pour la première fois en 1979, Les idées à l’endroit voulaient répondre à une demande créée par l’événement, en l’occurrence la grande campagne de presse autour de la « Nouvelle Droite » qui s’est déroulée durant l’été 1979. Ce texte, qui reste de première actualité, était épuisé depuis de nombreuses années. Cette réédition, très attendue, est augmentée d’un nouvel avant-propos de l’auteur.

    Nouvelle édition augmentée d’un avant-propos inédit

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  • De droite et de gauche !... (2)

    Nous reproduisons ici la seconde partie de l'entretien donné, pour la revue Eléments ( n°136, juillet-septembre 2010), à François Bousquet par deux des principaux animateurs de la Nouvelle Droite, Alain de Benoist et Michel Marmin.

    Bonne lecture !

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    La Nouvelle Droite est-elle de gauche ?  (suite)

    François Bousquet : Que reste-t-il du projet initial de la Nouvelle Droite, qui visait à la prise du pouvoir culturel, au sens gramscien du terme ? Comment jugez-vous rétrospectivement cette volonté de peser sur le monde, en tout cas dans sa dimension culturelle? Le «Manifeste de la Nouvelle Droite de l’an 2000» est-il toujours d’actualité ?

     

    Alain de Benoist : La ND n’a jamais cessé de livrer une «guerre culturelle». La prise du pouvoir culturel est évidemment une perspective autrement ambitieuse qui, il faut bien le dire, reste dans l’immédiat de l’ordre du pieux souhait. La référence à Gramsci, qui date des années 1970, a elle-même souvent été mal comprise : il ne s’agissait pas d’établir, au sens strict, un parallèle entre l’activité d’Antonio Gramsci et celle de la ND – parallèle qui trouve immédiatement ses limites –,mais de faire comprendre, à ceux qui avaient encore du mal à l’admettre, l’utilité concrète d’un travail de la pensée distinct de l’action politique. À la même époque, la ND a exploré la possibilité de donner à «la droite» des idées qui de toute évidence lui manquaient. Cette tentative a culminé dans l’aventure du Figaro-Magazine, de 1978 à 1982,mais n’a pas abouti, par manque de moyens d’abord,mais surtout pour des raisons qui me paraissent aujourd’hui évidentes : cette droite n’avait tout simplement ni le désir ni les capacités de se doter d’un véritable outillage théorique, surtout quand celui-ci contredisait ses préoccupations électorales et ses intérêts de classe. Depuis, les circonstances sociales-historiques ont totalement changé. Les anciennes familles de pensée se sont plus ou moins dissoutes, et sont en train de se recomposer. Toute la difficulté, dans la période à la fois de déclin et d’inter-règne où nous sommes, est de discerner les lignes de force du paysage idéologique à venir. Une autre difficulté est d’identifier le sujet historique et les agents sociaux concrets susceptibles de mettre en œuvre des pratiques susceptibles de dépasser l’idéologie dominante actuelle. Les conditions culturelles préalablement nécessaires à la résolution de ces difficultés ne sont pas encore mûres actuellement. C’est la raison pour laquelle ce qui importe le plus, dans les conditions présentes, est de poursuivre le travail d’analyse et de proposition auquel nous nous livrons depuis maintenant plus de quarante ans, en restant plus que jamais attentifs aux changements. Dans cette perspective, les bases de réflexion et les orientations du «Manifeste de l’an 2000» – l’une des meilleures synthèses que nous ayons publiées – sont plus actuelles que jamais.

     

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    François Bousquet : N’y a-t-il pas un problème de compatibilité à droite avec la figure de l’intellectuel qui est au cœur du projet de la ND? Autrement dit, la greffe, non pas tant de l’intelligence que de l’intellectuel, serait-elle vouée à ne pas prendre sur un corps de droite ? Et plus largement, la droite serait-elle définitivement fâchée avec l’intelligence ?

     

    Alain de Benoist : La droite est fâchée avec les intellectuels depuis l’affaire Dreyfus. Je me souviens que, dans ma jeunesse, quand on parlait des «intellectuels de gauche», il y avait toujours quelqu’un pour dire que c’était un pléonasme ! Maurras ne s’est jamais considéré comme un intellectuel, mais il dissertait en revanche volontiers sur l’«avenir de l’intelligence». D’autres gens de droite proclament que l’intelligence a beaucoup moins d’importance que le caractère, ce qui n’est d’ailleurs pas faux (ils oublient seulement que les deux ne sont pas incompatibles). Il est certain, enfin, que l’on a assisté depuis un demi-siècle à une destitution progressive de l’intellectuel, qui était naguère regardé comme «conscience morale» et «porte-parole des sans-voix» à l’époque où l’Université avait encore du prestige,mais qui aujourd’hui n’est plus, au mieux, qu’un objet médiatique parmi d’autres. J’appelle pour ma part «intellectuel» quelqu’un qui consacre sa vie à un travail de la pensée consistant notamment à comprendre et à mieux faire comprendre le monde dans lequel il vit. Je considère que ce travail est nécessaire, et que ceux qui accusent les intellectuels de disserter sur le sexe des anges au lieu de faire face aux «urgences» sont de tristes imbéciles. Il n’y a pas plus lieu de reprocher aux philosophes de «se borner» à faire de la philosophie que de reprocher aux médecins, aux peintres, aux informaticiens ou aux fleuristes de «se borner» à faire leur travail. Dans une société normale, on a besoin de tous les talents : une société uniquement composée d’intellectuels (ou de médecins, ou de peintres, ou d’informaticiens, etc.) serait évidemment tout à fait invivable !

     

    François Bousquet : Quels ont été les grands tournants idéologiques de la Nouvelle Droite ? Peut-on dire qu’il y a eu un «moment Nietzsche»,un «moment Dumézil»,un «moment Heidegger»? Comment qualifier le «moment» actuel de la Nouvelle Droite ?

     

    Alain de Benoist : On peut dire cela,mais on pourrait certainement identifier d’autres «moments» qui, de toute façon, ne peuvent pas être les mêmes pour chacun d’entre nous pris isolément. Pour ce qui me concerne, je pourrais aussi bien parler d’un «moment Rougier», d’un «moment Lupasco», d’un «moment Arnold Gehlen», d’un «moment Koestler», d’un «moment Freund», d’un «moment Louis Dumont», d’un «moment Althusius», d’un «moment Baudrillard», d’un «moment Christopher Lasch», etc. Mais ce ne sont là que des repères d’un itinéraire personnel. Si l’on regarde les choses plus objectivement, je pense que l’on pourrait périodiser l’histoire de la ND de la façon suivante : après une période de fondation, qui correspond pour moi à une rupture radicale avec l’horizon de pensée de l’extrême droite (et non, comme n’ont cessé de le dire ses adversaires, à une tentative de la doter de «nouveaux habits»), on a d’abord, durant les années 1970, une période d’exploration systématique du paysage idéologique, avec d’inévitables ambiguïtés, quelques flottements ou errements théoriques, des scories droitières qui se sont dissoutes progressivement. Cette période s’achève en même temps que l’expérience du Figaro-Magazine. Suit une période intermédiaire, allant jusqu’à la fondation de Krisis, en 1988, qui est surtout une période d’éclaircissements et de mises au point. À partir du début des années 1990 commence la période actuelle, qui est celle de la maturité. C’est aussi, je pense, celle durant laquelle la production intellectuelle de la ND a atteint son meilleur niveau. D’une façon générale, je dirais que l’évolution de notre courant de pensée s’est opérée dans le sens d’un approfondissement, tant en raison de sa dynamique interne que de la transformation du monde extérieur : comme je l’ai déjà dit, ceux qui croient que le même langage peut être tenu indépendamment des circonstances sociales-historiques sont de piètres penseurs. Cette périodisation est aussi celle qu’ont pu observer les chercheurs qui, en France et surtout à l’étranger, se sont le plus sérieusement penchés sur son histoire.

     

    Michel Marmin : Chacun des acteurs de la ND en général et d’Éléments en particulier peut en effet baliser son itinéraire de «moments» différents, sans parler de ces «moments» intimes décisifs que peuvent fonder un livre (pour moi, ce fut le cas avec Don Quichotte, Les confessions de Rousseau, L’éducation sentimentale de Flaubert, Notre jeunesse de Péguy ou l’évangile de Luc, et ça l’est actuellement avec la lecture, exhaustive, continue, crayon en main, de À la recherche du temps perdu), un tableau, une pièce de musique, ces «moments» intimes n’étant pas sans rapport (comment pourrait-il en être autrement), quelle que soit la modalité du rapport (consonant ou dissonant), avec les «moments», extérieurs et publics, de la ND. Alain de Benoist en cite quelques-uns. Il en est un, parmi les plus récents, auquel j’attache une importance particulière : c’est le «moment ÉricWerner» dont les ouvrages et les articles (au premier chef ceux qu’il donne à Éléments et dans ce numéro même) ont ouvert des horizons inédits à la philosophie politique de la ND et lui ont apporté des propositions pleines de nuances, de scrupules, d’inquiétude et de culture. Les livres d’Éric Werner sont de ceux qui peuvent provoquer un choc, un ébranlement intérieur salutaire. C’est surtout vrai pour La maison de servitude, ça l’est plus encore pour le dernier, Portrait d’Éric, dont la délicatesse philosophique, la limpidité formelle, la profondeur et la sincérité rétrospective et introspective sont telles que l’auteur ne nous en voudra pas de prendre notre temps afin de tenter d’en dégager la substance pour nos lecteurs. Mais ceux-ci ne doivent pas attendre pour le lire : Portrait d’Éric est paru chez Xenia (et il ne leur en coûtera que 16 euros).

     

    François Bousquet : Tout à fait d’accord avec toi. Sa «réplique au Grand Inquisiteur», La maison de servitude, est sans l’ombre d’un doute une grande lecture des évangiles, à la russe. On la retrouve dans L’évangile selon saint Matthieu de Pasolini, chez Tolstoï ou Ellul. Une lecture radicale. Mais comment ne le serait-elle pas pour celui qui lit les évangiles avec le cœur. Or, les chrétiens ont reçu ce livre avec un haussement d’épaules…

     

    Michel Marmin : Dont acte…Il est vrai que, bien que rigoureusement athée, je me considère comme infiniment plus «chrétien» que la plupart des bons catholiques que j’ai rencontrés.

     

    François Bousquet : Avec le recul, assumez-vous la totalité de l’héritage de la Nouvelle Droite ? Ou bien en rejetez-vous certaines parties ? Si oui, lesquelles ?

     

    Alain de Benoist : Par principe, j’assume tout : nul n’est libre de changer son histoire ! Mais il y a certainement des orientations ou des prises de position qui se sont à l’expérience révélées plus pertinentes ou plus fécondes que d’autres. Ceux qui se flattent de ne rien regretter sont rarement ceux qui ne se sont jamais trompés,mais plutôt des psychorigides incapables de se remettre en question et de faire leur autocritique. Au début des années 1970, par exemple, j’ai écrit quelques textes sur l’écologie, le travail, la théorie de la connaissance, que j’ai tendance à regarder aujourd’hui comme tout à fait erronés. J’ai eu tort aussi d’employer le mot «nominalisme» dans un sens qui a été mal compris. De même, l’importance que la ND a attachée dans le passé à des problématiques comme celle du quotient intellectuel était sans doute excessive. Comme le disait Spengler, dans les affaires humaines, l’histoire prime les sciences naturelles ! Dans tout chemin de pensée, il y a ainsi des voies que l’on explore et qui se révèlent des impasses. Tout cela est naturel. Cela dit, quand on relit tout ce que nous avons produit au cours des quatre dernières décennies, on peut surtout constater que nous avons généralement eu raison avant les autres, et que nous avonsmême parfois été prophétiques. Je serais tenté de dire qu’au fil des années, la ND est tout simplement devenue adulte, dépassant et rejetant à la fois l’adolescentisme de droite (l’univers héroïque paternel des dieux et des héros) et l’infantilisme de gauche (l’univers fusionnel-maternel de l’indistinction sociale), qui ne sont pas seulement deux formes pré-oedipiennes du comportement,mais aussi deux conceptions de la vie foncièrement impolitiques. En France, la ND est une école de pensée sans aucun équivalent depuis plus d’un demi-siècle. Elle est d’ailleurs déjà entrée dans l’histoire des idées.

     

    François Bousquet : Cela ne fait aucun doute. Raison de plus pour ne pas éluder ou minorer ce que la ND a été, de droite en l’occurrence (ce qu’elle a peut-être été plus encore par le style qui a longtemps été le sien – et en ces matières, il ne trompe guère). Or, je trouve que vous avez tendance à l’oublier…

     

    Alain de Benoist : Pas du tout, puisque je viens au contraire de le rappeler. Il n’y a d’ailleurs rien de honteux à être ou avoir été «de droite»!

     

    Michel Marmin : Nul n’est libre de changer son histoire, dit Alain de Benoist. Hélas ! suis-je tenté d’ajouter. J’ai personnellement adhéré sans réserve à tous les «moments» de la ND. Mais je dis franchement que je n’aime pas, avec le recul, le premier «moment», quand la ND, qui n’avait d’ailleurs pas encore été ainsi nommée, affichait une arrogance nietzschéo-darwinienne qui tenait sans doute beaucoup à la jeunesse de ses principaux acteurs. J’ai alors écrit dans Éléments des articles (enfin, deux ou trois) que je regrette d’avoir écrits et que je ne relis pas sans rougir. J’espère que, plus de trente ans après, il y a prescription…Mais le «gauchissement» de la ND est venu assez vite, et il n’a pas été sans entraîner des ruptures parfois violentes (mais rarement des ruptures personnelles, l’amitié, à droite, résistant plus facilement aux ruptures idéologiques qu’à gauche). Curieusement, c’est lorsque la ND a atteint au maximum de sa présence à droite, c’est-à-dire à l’époque du Figaro-Magazine, que j’ai pu contribuer à cette évolution, et cette évolution, je l’ai vécue comme une libération, comme un retour à ma vraie nature, que j’avais en somme «forcée». C’est en gros ce que j’ai essayé d’expliquer dans La pêche au brochet en Mai 1968. J’étais alors critique de cinéma au Figaro, et, loin de célébrer les films du système, comme on l’eût attendu d’un critique de droite, je plaidais pour le cinéma indépendant, voire d’avant-garde, pour les films du Tiers-monde, pour des documentaires on ne peut plus «gauchistes» sur la drogue ou l’immigration…Je n’ai évidemment pu tenir très longtemps. En fait, ce «gauchissement» s’est moins traduit par un rapprochement avec la gauche que par un éloignement de la droite. Je pense, j’espère, que cet éloignement est aujourd’hui consommé.

     

    François Bousquet : Dans La pêche au brochet, tu résumais ainsi ta vision de 68: «Une abbaye de Thélème, légèrement actualisée par Wilhelm Reich». Pardonne-moi, mais avec Reich, on est à des années-lumière de Kant. Un personnage sympathique au demeurant, ce Reich, comme tout ce qui est délirant, et chez lui ça l’était superlativement, mais peut-on vraiment prendre au sérieux son pansexualisme et ses orgones sans une bonne dose de LSD? Pour le reste, on a l’impression qu’avoir été de droite constitue pour toi une expérience traumatisante, en tout cas malencontreuse et accidentelle. Comment te soignes-tu?

     

    Michel Marmin : D’abord, une rectification. Je n’ai pas employé cette image rabelaisienne et reichienne pour résumer Mai 1968 ou la vision que j’en ai eue: elle se rapporte exclusivement à un minuscule projet utopique (entre les mille autres que l’époque a suscités) dans lequel j’ai trempé. Sinon, je partage ton point de vue sur Wilhelm Reich, surtout rétrospectivement,mais son délire,mêlé cependant de vraies intuitions, aura eu au moins le mérite d’inspirer l’un des films les plus rigolos de ces cinquante dernières années,W.R. Les mystères de l’organisme du cinéaste yougoslave Dusan Makavejev (1971). Pour le reste, je crois que tout engagement, quel qu’il soit, entraîne une mutilation, donc un traumatisme, à moins de n’être qu’une brute ou un simple. S’engager à droite, c’est inévitablement amputer ou refouler ce qui, en nous, est «de gauche». Je me suis soigné avec le retour du refoulé !

     

    François Bousquet : Quel jugement portez-vous sur la vague identitaire qui déferle en Europe et qui, en France, emprunte certains thèmes, et non des moindres, à ce que fut la Nouvelle Droite dans les années 1970?

     

    Alain de Benoist : Après la liberté et l’égalité, l’identité (individuelle ou collective) est aujourd’hui au centre des débats. C’est la raison pour laquelle j’ai consacré à ce thème un petit livre, Nous et les autres, dans lequel j’ai essayé d’approcher au plus près ce qu’il faut entendre sous ce terme. La «vague identitaire» dont tu parles ne me surprend donc pas,mais l’expression peut aujourd’hui désigner des choses très différentes. Dans plusieurs pays d’Europe, par exemple, la revendication identitaire s’associe à un plaidoyer ultra-libéral en faveur de la logique du marché, à une xénophobie agressive et à un populisme purement démagogique (on s’adresse certes directement au peuple,mais en continuant de parler en son nom au lieu de créer les conditions lui permettant de s’exprimer lui-même). Ma sympathie pour la cause identitaire s’arrête là où elle débouche sur la xénophobie et l’appel implicite à la guerre civile. En outre, je ne soutiendrai jamais un mouvement identitaire dont les positions en matière économique ou de politique étrangère iraient à l’encontre de ce que je pense. Je n’ai pas de sympathie particulière, par exemple, pour la Ligue du Nord italienne – phénomène atypique rigoureusement intransposable en France –, dont la ligne erratique a pour seule constante un mépris affiché pour la moindre «efficience» et la pauvreté des gens du Sud (le Sud commençant en l’espèce au nord de Rome). Je signalerai en revanche que le plus beau film identitaire de ces dernières années, c’est Le retour en Arménie du communiste Robert Guédiguian, ce dont la droite identitaire ne s’est apparemment pas aperçue.

    Les idées voyagent et n’appartiennent à personne, même pas à ceux qui les ont émises. On peut donc faire l’usage que l’on veut de celles de la ND. Certains de ces usages, néanmoins, ressortissent en quelque chose de l’hommage du vice à la vertu, dans la mesure où ils déforment les idées qu’ils empruntent ou les réduisent à des slogans. De ceux qui viennent après nous, et prétendent se situer dans la même ligne, on attend qu’ils aillent plus loin qu’on n’a pu aller soi-même, non qu’ils régressent en figeant un corpus théorique auparavant vivant. Dans le récent débat avorté sur l’identité nationale, personne ne s’est montré spécialement brillant, faute de pouvoir conceptualiser cette notion. Ceux qui parlent le plus d’identité se contentent en général d’aligner des stéréotypes et de s’arc-bouter sur des moments supposés fondateurs d’une histoire idéalisée,moments retenus au demeurant de façon strictement sélective (Robespierre, pourtant, fait tout autant partie de l’identité française que Jeanne d’Arc). Mais l’identité, ce n’est pas le passé. Et surtout, ce n’est en rien un concept de l’ordre de la «mêmeté». Loin d’être ce qui en nous ne change jamais, l’identité est ce qui nous permet de changer sans cesse sans jamais cesser d’être nous-mêmes. Dans mon livre, je récuse toute approche essentialiste de l’identité, dont je rappelle au contraire la dimension fondamentalement dialogique (on n’a pas d’identité quand on est tout seuls). J’affirme aussi que ce qui menace l’identité d’un peuple c’est toujours moins l’identité d’un autre peuple que le système général de la modernité, ce «système à tuer les peuples» – tous les peuples – intrinsèquement destructeur de toute diversité. Certains croient que s’il n’y avait pas d’immigrés en France, nous retrouverions tout naturellement notre identité. Ils ne voient pas que cette identité a déjà été éradiquée par la société du profit généralisé, de la fausse conscience généralisée, du spectaculaire-marchand généralisé. Rendre possible la réappropriation autonome d’une identité collective, c’est d’abord contribuer à faire s’effondrer les mythologies fondatrices de la temporalité marchande, de la tyrannie du plaisir chosifié, de l’insignifiance mondaine, de la mystification même de la vie.

     

    François Bousquet : L’essentialisme, la pétrification sont indiscutablement une des pathologies de l’identité, et plus spécialement d’une identité malade. Mais cette pathologie ne travaille les sociétés contemporaines qu’à la marge. Les Européens semblent aujourd’hui bien plus souffrir d’amnésie identitaire que d’hypermnésie.

     

    Alain de Benoist : L’amnésie est la conséquence logique de la disparition des repères, et du fait que toutes les dimensions de la temporalité ont été rabattues sur l’instant présent. Cela dit, l’appel à la «mémoire» est toujours ambigu. Il peut aussi être paralysant : il suffit de voir comment le «devoir de mémoire» a été mis au service de la «repentance».On oublie trop, quand on cite la phrase de Nietzsche : «L’homme de l’avenir est celui qui aura la mémoire la plus longue», qu’aux yeux de Nietzsche l’«homme de l’avenir» se confond avec ce «dernier homme» qu’il exècre absolument. Pour Nietzsche, c’est l’oubli, non la mémoire, qui est la condition de l’«innocence» nécessaire à un nouveau commencement.

     

    Michel Marmin : Ceux qui me connaissent et, éventuellement, me lisent savent combien je suis resté sensible aux liens charnels, à l'enracinement généalogique et local, et les identitaires auraient, à moi aussi, toute ma sympathie, s'ils n'avaient, comme je le crains, la vue obscurcie par la globalisation, qui n’est ni un bienfait ni un méfait,mais un fait, avec les flux de population qu’il entraîne et que ne manquera pas d’aggraver la catastrophe climatique qui ne fait que commencer. Moi aussi, il m’arrive de regretter le temps des lampes à huile et de lamarine à voile, et ce n’est pas, parfois, sans un serrement de coeur que je revois la France telle que l’avaient si joliment photographiée en noir et blanc les cinéastes des années 1950 (et telle que je l’ai connue) et, a fortiori, telle que l’on illustrée les frères de Limbourg dans Les très riches heures du duc de Berry…Mais les nostalgies ne sauraient fonder un projet politique, et celui des «identitaires»me paraît géométriquement voué à l’échec, nonobstant les succès marginaux qu’ils pourront obtenir çà et là en exploitant des peurs compréhensibles. Je ne suis sûr que de deux choses. La première, c'est que de la France que j'aime, celle sur laquelle s'est construite mon identité personnelle, il ne reste plus qu'un fantôme. La seconde, c'est que l'immigration et l'«islamisation» n'y sont pour rien. Elles sont, tout au plus, les conséquences d'un mal beaucoup plus profond, beaucoup plus ancien. Pour moi, l'identité de la France et l'identité de l'Europe n'ont plus à être «défendues», mais sont à réinventer en s'attaquant d'abord à la racine du mal. Lequel n'est pas seulement local, mais, je le répète, global.

    Mais je dois préciser que certains «identitaires», ou prétendus tels, me font carrément horreur quand leur défense de l’identité nationale est en réalité le prétexte à l’expression, plus ou moins masquée, du racisme le plus répugnant et de la xénophobie la plus bête, ces vieux démons de l’extrême droite. Ils me font penser à ces nazis auxquels Jean Dujardin, dans le désopilant OSS 117. Rio ne répond plus, promet de donner un État pour eux tous seuls, dans des frontières sûres et reconnues…La question est alors de savoir si les «identitaires» y accepteraient les «Narbonoïdes dégénérés» et «négrifiés» (Louis-Ferdinand Céline) du sud de la Loire !

     

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    François Bousquet : Que le racisme soit vulgaire, cela ne fait aucun doute. Et meurtrier de surcroît. Mais c’était plus vrai hier qu’aujourd’hui, où il est criminalisé. Ce qui règne, en tout cas dans les sphères qui comptent, c’est un antiracisme angélique, un déni statistique de l’immigration et des positions moralement confortables (et compatibles avec ce confort moral).Mais je voudrais en revenir à la question qui me taraude depuis le début de cet entretien: ne faut-il pas choisir ? À un moment donné, il faut bien choisir, sauf à risquer le sort de l’âne de Buridan, qui meurt de faim, faute d’avoir su choisir entre le picotin d’avoine et le seau d’eau. J’ai toujours en tête la phrase de Lamartine, qui, ne voulant siéger ni à droite ni à gauche, siégeait au plafond. Siégeriez-vous à votre tour au plafond?

     

    Alain de Benoist : Bien sûr qu’il faut choisir. Après le moment de la réflexion, doit venir le moment de la décision. C’est la raison pour laquelle j’ai de longue date insisté sur la notion d’«ennemi principal». C’est aussi la raison pour laquelle j’ai toujours trouvé absurde la position de ceux qui s’abstiennent de prendre position sur tel ou tel problème (qu’il s’agisse de l’évolution de l’Amérique latine ou de la situation en Palestine occupée) au motif que «cela ne nous concerne pas». Ce sont eux qui siègent au plafond: dans un monde globalisé, tout nous concerne. Mais encore faut-il distinguer entre le travail de la pensée proprement dit et le jugement qui s’exerce sur les circonstances concrètes. Dans le domaine des idées, le sens des nuances et la volonté de synthèse n’est pas un «refus de choisir». En outre, le «choix» entre deux abstractions aussi inconsistantes et obsolètes que «la droite» et «la gauche» ne mène nulle part. Tu dis que Lamartine ne voulait siéger «ni à droite ni à gauche». Moi, je ne suis pas dans la logique du «ni ni» (ou dans celle du «ou bien ou bien»),mais dans celle du «et et». Pour ce qui est des circonstances concrètes, en revanche, je crois que la ND – et tout particulièrement Éléments – ne s’est jamais abstenue de choisir. Que ce soit sur la construction européenne, la guerre en Irak ou en Afghanistan, la géopolitique, les rapports avec la Russie, la crise financière, les défis écologiques, les problèmes sociaux, la mise en place d’une société de surveillance, etc., elle a au contraire constamment tranché.

     

    François Bousquet : L’islam vous paraît-il compatible avec la civilisation européenne, pour laquelle Éléments est censé œuvrer ?

     

    Alain de Benoist : Telle que tu l’énonces, la question semble poser une hypothèse d’école. On n’en est plus là, puisque l’on compte aujourd’hui à peu près 54 millions de musulmans en Europe (bonne chance à ceux qui veulent les «mettre dehors»!). Ces musulmans ne sont pas tous des immigrés, tant s’en faut,mais l’immigration a bien entendu fortement contribué à en augmenter le nombre. Cette immigration, qui est une immigration de peuplement, a transformé en relativement peu de temps les sociétés européennes, non pas en sociétés «multiculturelles», comme on le répète un peu partout – elles sont au contraire de plus en plus monoculturelles, puisqu’elles baignent toutes dans l’unique culture de la marchandise –,mais en sociétés multi-ethniques. La critique de l’immigration, comme celle des pathologies sociales (grandissantes) qui en résultent, est tout à fait légitime, à condition de s’opérer sur d’autres bases que celles de la xénophobie et de l’exploitation des faits-divers. Éléments a dans le passé consacré un épais numéro à cette question, ce qui épargne d’avoir à y revenir. Le livre récent de la démographe Michèle Tribalat, Les yeux grands fermés, en constitue un utile complément. À mes yeux, l’immigration se définit d’abord comme l’armée de réserve du capital, sa fonction première étant d’exercer une pression à la baisse sur les salaires, avec le soutien implicite des tenants du «sans-papiérisme» (Besancenot est le meilleur allié du patronat).

    Depuis quelques années, cependant, on constate que la critique de l’immigration a plus ou moins cédé la place à une critique de l’«islamisation». Ce glissement progressif, qui n’est pas fortuit, change radicalement le sens de la critique. Il était en effet possible de critiquer l’immigration sans nécessairement critiquer les immigrés, qui en sont aussi les victimes avant d’en être éventuellement les bénéficiaires. Avec la critique de l’«islamisation», c’est-à-dire du droit pour les musulmans de pratiquer leur culte et de faire reconnaître leur identité religieuse dans l’espace public, ce sont au contraire les musulmans qui sont stigmatisés en tant que tels. Ce que je trouve inacceptable.

    Les trois religions monothéistes ont toutes été, à un moment ou un autre, des religions «immigrées» dans l’espace européen. Il est notoire que je n’ai personnellement pas de sympathie pour le monothéisme, dont j’ai au contraire constamment critiqué les fondements d’un point de vue philosophique. Mais critiquer une religion, ce n’est pas s’en prendre aux hommes. Dès l’instant où des musulmans vivent en Europe – qu’on s’en félicite ou qu’on le déplore –, je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas jouir en matière de culte des mêmes libertés à juste titre déjà reconnues aux chrétiens et aux juifs, aussi longtemps bien entendu que l’exercice de ces libertés ne porte pas atteinte à l’ordre public ou à la nécessaire loi commune. Ce qui ne veut pas dire que cela ne puisse pas poser des problèmes. Cela peut au contraire en poser, et il appartient alors aux pouvoirs publics de chercher à les régler. Si, par «islamisation», on entend en revanche le fait pour des non-musulmans de se voir imposer des pratiques islamiques, je trouve cela, bien entendu, tout aussi inacceptable. Mais pour l’instant, ce ne sont pas des séries islamiques que l’on voit tous les soirs à la télévision, ni des films islamiques qui envahissent nos écrans ! Je ne peux admettre, d’autre part, le lien constamment entretenu entre l’immigration et l’islam, puis entre l’islam et l’islamisme, enfin entre l’islamisme et le terrorisme : ce sont là des phénomènes contigus,mais différents. L’islam est la religion d’un milliard et demi de croyants, l’islamisme une forme radicalisée de l’islam (allant jusqu’aux aberrations salafistes ou wahhabites), le terrorisme islamique un phénomène politique sous habillage religieux enmême temps qu’une réaction convulsive contre le matérialisme occidental. Amalgamer le tout dans une dénonciation de l’immigration est une démarche confusionniste dont on ne voit que trop, dans le domaine géopolitique, à quelles puissances elle ne manquera pas de profiter. Qui a donc intérêt aujourd’hui à voir l’islam succéder à l’Union soviétique dans le rôle de l’empire du Mal ?

    Traiter de l’immigration à partir d’une critique de l’islam est à mon avis la plus mauvaise façon de procéder. Croit-on vraiment que les problèmes de l’immigration vont se résoudre par l’athéisme, la police des costumes et le jambon? Par la castration «à la suisse» des trop phalliques minarets ? Que tout irait mieux si les jeunes immigrés désertaient les mosquées pour adopter le matérialisme pratique qui constitue déjà le mode de vie de tant de Français «de souche»? Denis Tillinac écrivait récemment : «Dans les familles musulmanes pratiquantes, on inculque aux jeunes des vertus plus nobles que l’appât du fric, le culte de soi et la vénération des idoles télévisuelles». Ce n’est pas faux. Pour ma part, d’ailleurs, je préférerais habiter près d’une mosquée plutôt que d’un centre commercial (ou avoir pour voisin un universitaire musulman plutôt qu’un skinhead) !

    Les partisans de l’Algérie française nous expliquaient il y a cinquante ans que la France pouvait faire de tous les musulmans d’Algérie des «Français à part entière». Elle n’a même pas réussi à donner aux familles des harkis des conditions de vie décentes. Aujourd’hui, les marmitons de l’islamophobie, dont l’anti-islamisme reprend à son compte tous les clichés judéophobes du XIXe siècle, tout en se nourrissant des souvenirs de l’historiographie chrétienne, nous expliquent qu’on ne peut vivre en Europe en étant musulman, ce que font quand même déjà plus de 50 millions de personnes. L’islamophobie représente tous les musulmans en délinquants ou en terroristes potentiels, traitant tous ceux qui contestent cette approche de vendus, traîtres, résignés, candidats à la dhimmitude, etc. On ne va pas loin en procédant de la sorte. Au-delà des fantasmes de droite («La France va devenir une République islamique !») et de l’angélisme de gauche («On est tous citoyens du monde !»), au-delà aussi des «valeurs républicaines» et de l’anti-communautarisme convulsif dont se réclame une classe politique tout entière imprégnée de jacobinisme – de l’extrême droite à l’extrême gauche –, ce n’est pas à la religion des gens que je m’intéresse en priorité, ni même à leur lieu de naissance,mais aux valeurs dont ils se réclament, à ce qu’ils pensent et à ce qu’ils veulent faire. «Tous les hommes de qualité sont frères», écrivais-je déjà dans Les idées à l’endroit. Soit l’on cherche à réaliser le vivre-ensemble, aussi bien que cela est possible, soit l’on pousse à la guerre civile. Seul un grand projet collectif, un grand projet mobilisateur, serait susceptible de transformer tous les concitoyens en compatriotes. Je reconnais volontiers qu’on en est loin.

     

    Michel Marmin : Je n’ai rien à ajouter à la conclusion d’Alain de Benoist. Je me permets tout de même de profiter de cette question pour faire un petit point d’histoire du cinéma. J’ai été le co-scénariste du premier film français à aborder franchement (c’est-à-dire avec franchise) la question de l’islam et de l’immigration, Pierre et Djemila de Gérard Blain, et qui plus est d’un point de vue à la fois empathique et réaliste (c’est-à-dire ne méconnaissant pas les souffrances, les pathologies et les conflits que l’immigration de masse n’a pas manqué de susciter). C’était il y a quasiment un quart de siècle (1987), et le film fut violemment attaqué à l’extrême droite (à cause de son empathie) et à l’extrême gauche (à cause de son réalisme), alors qu’il n’était que modestement prophétique. J’ai l’impression que rien n’a changé depuis, et que les réactions seraient aujourd’hui les mêmes… Comme quoi, et c’est tout le problème de la ND, il est très inconfortable d’être indépendant : le goût de la vérité et le souci de l’honnêteté exposent à bien des désagréments !

     

    François Bousquet : Vous connaissant, j’aurais plutôt tendance à classer vos deux tempéraments dans la famille des pessimistes et du pessimisme – la condition de l’homme historique, du moins de droite (on n’en sort pas). Qu’en dites-vous ?

     

    Alain de Benoist : Tu connais le mot de Bernanos : «Les optimistes sont des imbéciles heureux, les pessimistes des imbéciles malheureux». Le pessimisme de droite s’enracine dans une vision réaliste de la nature humaine : l’homme n’est pas un être «mauvais»,mais il est un être risqué, dynamique et dangereux (pour lui-même). Je n’ai rien à redire à cette vision. Sur ce sujet, il est aussi de coutume de citer Gramsci : «Pessimisme de l’intelligence, optimisme de la volonté». La formule pourrait être retournée.

     

    François Bousquet : Ce que vous faites sert-il à quelque chose ?

     

    Alain de Benoist : Voilà bien une question que je ne me pose pas, non parce qu’elle m’indiffère, mais parce qu’on ne pourra y répondre que dans cinquante ans ! J’ajoute que les préoccupations utilitaires ne sont pas mon fort. Je suis bien conscient de ce que la ND occupe une ligne de crête. Le travail qu’elle fait n’est pas facile, ni dans l’ordre de la pensée ni dans l’ordre de la pratique. Non seulement elle ne cherche pas à plaire, mais elle prend consciemment le risque de déplaire. Cela suscite parfois des incompréhensions. Cela lui vaut des critiques et des hostilités croisées, sans rien qui les compense. Amicus Plato, sed magis amica veritas («Ami de Platon,mais plus encore, ami de la vérité») : Cervantès place dans la bouche de Don Quichotte la célèbre phrase d’Aristote. Ce peut

    être aussi unmot d’ordre.On essaie de faire lemieux possible ce pour quoi on pense être le plus fait. À partir de là, on fait ce que l’on croit nécessaire. C’est déjà bien. En d’autres temps, cela s’appelait faire son devoir.

     

    Michel Marmin : Moi, je me la pose tout le temps, et, dans mes accès de déprime, je réponds : «à rien»…Mais je ne le pense pas véritablement. J’ai quatre petits-enfants, et je suis profondément convaincu que ce que nous faisons pourrait les aider à trouver leur voie, c’est-à-dire à penser par eux-mêmes dans un monde qui se pense de moins en moins et à ne pas fermer les yeux devant le réel, aussi effrayant et chaotique soit-il, eh bien ! Cela aura servi à quelque chose.

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